Fred Hampton - C'est une lutte de Classes, nom de dieu !, Novembre 1969

 

Discours prononcé en novembre 1969 à la Northern Illinois University de DeKalb (Illinois)

Adapté de l'anglais (U.S.A.) par Harold Manning avec la collaboration de Jennifer Gay, mars 2012

Ce que nous allons essayer, c'est de débattre pour éveiller les consciences. Nous voulons partager plus d'informations. Ça ne sera pas une tâche facile. Joan, notre sœur, vient de nous offrir selon moi un très beau discours. Chaka Walls, notre ministre-adjoint de l'Information, voilà justement son travail : informer. Mais moi aussi, je vais tenter de vous informer.

Chaka a oublié de préciser une chose. Les frères et les sœurs ne font pas exactement la même chose. Nous ne demandons pas aux frères de tomber enceinte ou quoi que ce soit. Nous ne demandons pas aux frères d'avoir des bébés. Ça fait une petite différence.

Quand nous aurons fini les discours, pour ceux d'entre vous qui n'auront pas tout compris de l'idéologie exposée ici, et des idéologies que je vais défendre, nous aurons un moment d'échanges. Pour ceux que ça chagrine d'entendre des nègres parler d'armes à feu, nous prendrons un moment pour chialer après les échanges. Et pour les Blancs qui se sont pointés ici pour montrer à quel point ils sont perturbés par leur écrasant sentiment de culpabilité, et qui veulent qu'on leur hurle des déclarations d'amour, après notre séance de larmes et si il nous reste un moment, on se fera une séance de déclarations d'amour.

Alors maintenant, passons aux choses sérieuses. Tout d'abord, à ce que certains appellent le PROCES : le "Procès des huit", dont notre co-fondateur Bobby Seale. Ce PROCES, nous l'appelons CARNAGE, nous appelons cela un carnage. J'épelle : C-A-R-N-A-G-E. Il y a assez de dictionnaires dans cette université pour remplir la salle, alors vous pouvez aller vérifier. Cela signifie "sacrifice". Généralement le sacrifice d'un animal. Si vous le voulez bien, quand on vous demandera "Êtes-vous allés au procès ?", vous direz que vous vous êtes rendus ou que avez suivi le carnage, parce que voilà ce que c'est. Un sacrifice public. Ici, on tente injustement, illégalement d'éprouver notre président.

Nous considérons ce carnage comme l'équivalent, aujourd'hui en 1969, du procès de l'esclave Dred Scott en 1857. Nous considérons notre président Bobby comme un nouveau Dred Scott. Et nous considérons le juge Hoffman, qui l'attache et le bâillonne aujourd'hui, comme la réincarnation du juge Taney, l'esclavagiste de 1857. Parce que Dred Scott était nègre et ancien esclave — en fait il était encore esclave : nous sommes toujours tous des esclaves —, il est passé en 1857 devant un tribunal où il s'est trouvé clairement contredit dans ce qu'il croyait être son statut dans la société américaine, la place qu'il pensait être la sienne.

Alors il a mené l'affaire devant la Cour Suprême, pour s'entendre dire par le juge Taney qu'il fallait revoir les idées fausses au fond de sa vieille petite tête. Le juge Taney s'y est d'ailleurs employé. Le juge Taney le lui a bien expliqué, très clairement : "Nègre, tu n'es rien, tu es un bien mobilier, tu es un esclave. L'organisation de ce pays — la loi, la justice — tout cet ordre qui fonctionne en Amérique aujourd'hui a été mis en place bien avant votre arrivée ici, frérot. Nous vous avons fait venir ici pour nous faire du fric, pour que notre business tourne, notre business d'hommes d'affaires cupides, notre business de rapaces. Pour que notre business continue à tourner."

Dred Scott n'arrivait pas à l'avaler, ça. Il a réfuté, magistralement. Et là, le juge Taney a fait une déclaration qui est restée dans les mémoires. Cette déclaration, peut-être pas dans les mots mais dans les actes et les pratiques, elle se concrétise en ce moment-même et ici-même à Chicago, dans les bureaux fédéraux du centre-ville, le nouveau Reichstag. Elle se concrétise aujourd'hui quand le juge Hoffman dit la même chose que ce que le juge Taney déclarait en 1857. Quand Taney répondait à Dred Scott : "Nègre, un Noir en Amérique n'a pas un seul droit qu'un Blanc soit tenu de respecter." Le juge Hoffman répète la même chose à notre président aujourd'hui, chaque jour.

Nous, on a bien compris le message.

Vous savez, plein de gens ont des complexes vis-à-vis du Parti parce que le Parti parle ouvertement de lutte de classe. Ceux qui ont des complexes sont des opportunistes et des lâches et des individualistes et tout ce qui est contraire à l'esprit révolutionnaire. C'est leur alibi, leur argument pour justifier leur retrait de la lutte véritablement révolutionnaire. Ils disent : "Moi, je peux pas suivre le Black Panther Party parce que les Panthers sont obsédés par la critique des gauchistes ou des Blancs ou des Ultra-Blancs ou de n'importe quoi." Ils disent : "Voilà ce que j'ai trouvé pour nier la vraie raison de mon absence dans la lutte."

Nous avons beaucoup d'arguments à opposer à ces gens-là. D'abord, nous disons que la priorité de notre lutte est une question de classe. Que Marx, Lénine, Che Guevara, Mao Tsé-toung et tous ceux qui se sont exprimés, qui ont étudié ou qui ont pratiqué la révolution, ont toujours dit que toute révolution est une lutte de classe. Une classe d'opprimés, une classe d'oppresseurs. Et que c'est toujours pareil. Ceux qui ne veulent pas le voir sont ceux qui ne souhaitent pas s'impliquer dans une révolution. Ils le savent bien, que tant qu'ils en restent à une question de race, jamais ils ne verront de révolution. Ils peuvent vous sortir des chiffres, ils peuvent vous embrouiller les idées de mille façons, mais qui dit lutte de classe dit armes à feu. Le Parti devait donc en parler.

Quand le Parti a commencé à parler de lutte de classe, nous nous sommes aperçus qu'il fallait bien aborder la question des armes. Nous n'avons jamais nié le fait qu'il y avait du racisme en Amérique. Nous disons que le racisme est un sous-produit, un sous-produit du capitalisme, que le capitalisme vient en premier et qu'ensuite arrive le racisme. Que quand ils ont fait venir des esclaves ici, c'était pour faire du fric. D'abord est venue l'idée de faire de l'argent, puis l'idée des esclaves comme moyen de gagner cet argent. Cela signifie que le racisme découle du capitalisme, c'est une vérité historique. Le capitalisme est venu en premier, le racisme en est le sous-produit.

Tous ceux qui refusent de l'admettre montrent à travers ce refus et leur non-participation à la lutte qu'ils sont tout simplement incapables de s'engager. La seule chose qu'ils ont pour eux, c'est leur éducation, celle qu'ils reçoivent dans des institutions comme l'université qui nous accueille aujourd'hui. Juste assez d'éducation pour leur donner bonne conscience, leur dire que c'est bien d'être Noir, que c'est bien de changer de nom pour ne pas porter celui de l'oppresseur... Mais tout ça, c'est fou.

Le ministre de l'éducation du Parti, Raymond "Masai" Hewitt, et le chef de l'effectif, David Hilliard, reviennent tout juste d'Afrique où ils ont rencontré Eldridge Cleaver. Ils rapportent que les nègres de là-bas ne porteront jamais le genre de costumes que certains imbéciles africanisés portent ici. Ils portent des chiffons ou ils ne portent rien du tout. Si tu veux te fringuer comme un Africain, alors au moins fringue-toi comme un Angolais ou un frère du Mozambique. Voilà des gens qui agissent. Autant s'habiller comme des gens engagés dans une lutte de libération. Ben non, voyons ! Je te vois venir. Tu vas quand même pas t'africaniser à ce point-là ! A la mode angolaise, à la mode du Mozambique, en plus de tes fringues habituelles, de merde ou de luxe, il va falloir porter une cartouchière, un fusil AR-15, deux ou trois calibres .38, il va falloir te charger de quelques Smith et Wesson et de quelques Colt 45 parce que c'est ça qu'on porte, au Mozambique. Le nègre qui te raconte que pour être un révolutionnaire il te faut les cheveux longs et un dashiki à l'Africaine et des boubous et trente-six sandales, et que celui qui n'a pas il n'est même pas révolutionnaire, ce nègre-là est complètement taré.

Le pouvoir politique ne sort pas de la manche d'un dashiki. Nous le savons, le pouvoir politique sort du canon d'un fusil. Ça, c'est la vérité. La vérité vraie. Nous le savons, pour être en mesure de parler de pouvoir, il faut être en mesure de contrôler et de maîtriser les choses, de les faire aller dans le bon sens. Autrement dit, si vous ne savez pas contrôler et maîtriser les choses, les faire aller dans le bon sens, vous n'avez pas le moindre pouvoir, vous n'avez même pas de rapport avec le pouvoir, vous ne connaissez pas et vous ne connaitrez probablement jamais ce que c'est que le pouvoir. Nous, nous savons ce que c'est que le pouvoir, et nous savons comment on appelle celui qui fait du mal au peuple : un ennemi.

Ces porcs de nationalistes blacks vous diront très vite : "Les flics ne veulent pas que tu sois noir. Pas de "Black Studies" à l'université. Pas de dashikis sur le dos. Ils ne veulent pas que t'apprennes des choses sur la terre de tes ancêtres ni sur les racines qu'on peut ramasser pour manger. Ils ne veulent pas de ça parce que dès que tu y seras, dès que tu seras retourné à la culture du XIe siècle, tu seras OK."

Voyez un peu les gens qui sont retournés à la culture du XIe siècle. Voyez les gens qui portent des boubous et des dashikis et qui pensent que ça va les libérer. Non mais regardez-les, tous ceux-là, voyez où ils se trouvent, prenez les adresses de leurs bureaux et écrivez-leur en leur demandant combien de fois, cette année, leurs bureaux ont été attaqués par les flics. Et puis écrivez à n'importe quelle section du Black Panther Party, n'importe où aux États-Unis d'Amérique, n'importe où à Chicago, notre ville corrompue, et demandez-leur combien de fois les cochons de flics les ont attaqués cette année. Quand vous aurez les deux chiffres vous comprendrez ce que les cochons de flics n'aiment pas. C'est là que vous comprendrez ce que les cochons n'aiment pas.

Nous avons été attaqués par la police à trois reprises depuis juin. Nous savons ce que les cochons n'aiment pas. Les gens fuient le pays par centaines. Nous savons ce que les cochons n'aiment pas. Notre ministre de la Défense est en prison, notre président est en prison, notre ministre de l'Information est en exil, notre trésorier, premier membre du parti, est mort. Le ministre-adjoint à la Défense et le ministre-adjoint à l'Information, Bunchy, Alprentice Bunchy Carter, ainsi que John Huggins de Californie du Sud, ont été assassinés par ces porcs de nationalistes blacks, pendant une réunion de la Black Student Union... Nous savons ce que les cochons n'aiment pas.

Nous avons dit que personne, à moins qu'il ne soit un cochon, ne tirerait sur un Black Panther, parce les Panthers ne constituent une menace pour personne si ce n'est pour les cochons. Et si on vous dit que les Panthers sont une menace, demandez-leur donc pour quelle raison. Pourquoi on se lèverait à 5 heures du matin pour nourrir le fils de quelqu'un, puis à 3 heures de l'après-midi pour lui tirer dessus ? Pour économiser un repas ? Nous n'avons pas besoin de ça. Pourquoi ouvririons-nous une clinique de soins gratuits, où la seule condition pour recevoir une aide médicale gratuite est d'être malade ? Il y a des étudiants ici qui se leurrent, qui font joujou, qui se racontent qu'ils font plein de trucs pour la lutte. Moi, je leur dis : "Et si vous en faisiez plus ? Vous êtes de Chigago, vous !"

On raconte que le Parti serait récupéré par les Blancs. C'est ce que ce mini-fasciste de Stokely Carmichael a déclaré. Il n'est rien qu'un petit singe à son maître. En ce qui me concerne, c'est un petit singe à son maître, je le connais depuis des années et c'est ce qu'il est, avec ses paroles assassines sur le Black Panther Party.

Nous, récupérés par les Blancs ? Regardez un peu où sont situés nos bureaux, voyez notre programme de petits-déjeuners pour les enfants, notre clinique gratuite qui va sans doute ouvrir ce dimanche au coin de la 16e rue et de Springfield Avenue. Est-ce que tout le monde voit bien où se trouve la 16e rue et Springfield Avenue ? C'est pas à Winnetka, si vous voyez ce que je veux dire. C'est pas à DeKalb. C'est au cœur des choses, c'est dans notre Babylone. Au cœur de Babylone, frères et sœurs.

Et cette clinique gratuite se trouve là parce que nous savons où se trouve le problème. Nous savons que les Noirs sont les plus opprimés. Et si nous ne le savions pas, alors pourquoi diable irions-nous clamer partout que la lutte pour la libération des Noirs doit être l'avant-garde de toutes les luttes de libération ? S'il y a un jour une libération en la mère patrie, une libération dans les colonies, nous serons libérés sous l'impulsion du Black Panther Party et de la lutte pour la libération noire. Nous ne nions pas ce fait.

Que tout le monde ne soit pas membre des Black Panthers ne nous obsède pas. Nous ne voulons pas que vous alliez croire à ça. Parce qu'on aime bien Fred, je veux dire Everett. On l'aime bien. Par contre on ne peut pas sacquer Ron Karenga ou LeRoi Jones. Ça, on peut pas. Nous ne voyons aucun engagement sur le terrain chez ces frères-là. Nous savons qu'ils ont maintenant tous les deux des noms plus longs que mon bras. Et qu'ils sont tous les deux censés être si intelligents et si malins. C'est bien ça le problème, là.

Nous parlons de détruire le système, et eux ils ont un complexe avec ça, parce qu'ils sont constamment en train d'acquérir des biens à l'intérieur de ce système. C'est un peu compliqué de brûler le mardi ce qu'on a acheté le lundi. Voilà une meute de capitalistes impénitents. Ils ne se repentiront jamais. Et ils sont tellement plus malins que nous. On essaye de leur trouver des excuses : "Il leur faut peut-être un peu de temps, ils feront ça par étapes, Fred." Non, c'est impossible. Ils sont bien plus âgés que nous. Moi, j'ai 21 ans. Nous sommes tous jeunes, ici. Ils n'ont jamais fait les choses par étapes. Ron Karenga a une étagère de diplômes. C'est vrai, une étagère de diplômes et il continue ses agissements. Et comment arrivent-ils à vous tromper ? En choisissant les dirigeants. Ils ont mis ces gens en place et vous les ont présentés comme étant vos dirigeants, alors qu'en fait ils ne sont les dirigeants de personne.

Les opprimés, nous les appelons des apologistes. Parce que dès qu'il se passe un truc, ils ne savent que s'excuser. Lisez les journaux ! Aujourd'hui, ils publient des dessins de notre président enchaîné et bâillonné. Ne voyez-vous pas que si les médias, la presse établie, avait fait quelque chose avant, on aurait pu arrêter il y a des années cette marée de fascisme montant ? Mais les médias ont relayé, approuvé, soutenu les fascistes à l'époque. Et maintenant, tout le monde est mis dans le même sac.

Et beaucoup de gens maintenant pensent qu'ils ont les mains sales. Nous les appelons les serviteurs idéologiques du fascisme des États-Unis. Et c'est ce qu'ils sont, parce qu'ils servent le fascisme en ne faisant rien pour le contrer, jusqu'à ce qu'une nouvelle loi tombe, et là, ils se mettent à s'excuser, ils devienne apologistes. Mais nous, nous disons que cette presse que nous lirons, en laquelle nous aurons confiance et penserons qu'elle est de bonne foi, c'est la même presse qui nous a fait croire que nous étions des Hommes, alors qu'en fait nous n'étions personne.

Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de plus important. Je pense que ce que Malcolm disait est important. Maintenant, souvenez-vous un peu. Ces étudiants qui se moquaient de Malcolm. Vous vous rendez compte ? Ils se moquaient de Malcolm ! Pourquoi ? Régis Debray dit que les révolutionnaires sont dans l'avenir. Que les militants, les nationalistes blacks et tous les autres étudiants radicaux sont dans le présent. Et que la plupart des autres gens essaient de rester dans le passé. Voilà pourquoi, quand surgit quelqu'un qui est dans l'avenir, beaucoup d'entre nous n'arrivent pas à le comprendre. Vous ne comprenez pas Huey P. Newton aujourd'hui tout comme vous ne compreniez pas Malcolm de son vivant. Pourtant nous savons bien que lorsque Malcolm est parti, la source s'est presque tarie. On ne ressent le manque d'eau qu'une fois que la source est tarie, et elle s'est presque tarie ce jour-là.

Huey P. Newton s'est mis à la lecture. Il ne ressemble pas à beaucoup d'entre nous. Beaucoup d'entre nous lisent, lisent et lisent encore, mais nous n'avons pas de pratique. Nous avons beaucoup de connaissances dans nos têtes, mais nous ne les avons jamais mises en pratique, ni fait d'erreurs ni corrigé ces erreurs afin de savoir faire les choses correctement. Nous finissons donc avec, comme on dit, un tas de diplômes sur l'étagère, mais nous ne sommes pas capables de mâcher un chewing-gum tout en traversant la rue, parce que nous avons toutes ces connaissances, mais elles n'ont jamais été mises en pratique. Nous ne les avons jamais appliquées à la réalité des choses. On appelle cela mettre les choses au défi de la vérité objective. Vous pouvez avoir toutes sortes de pensées en tête, mais il vous faut les mettre au défi du vrai monde. Vous voyez ce que je veux dire ?

On nous a fait gober qu'il fallait acheter des bonbons, jeter le bonbon et manger l'emballage. Voilà les seules personnes au monde voyez-vous, et c'est vrai, qui savent vendre des glacières à des Esquimaux. Ils peuvent vendre des perruques en cheveux naturels à des nègres qui les ont déjà, les cheveux naturels. Et voyez-vous, ça, c'est une honte. Ils peuvent vendre 24 tickets de participation à un concours de bottage de cul à un unijambiste, alors que lui-même sait très bien qu'il ne pourra rien faire là-dedans. Vous voyez, c'est le genre de choses qu'ils savent nous faire, et puis en plus ils nous font croire que tout ce qu'ils nous racontent, c'est de bonne foi, que c'est du vrai. Nous, nous disons que c'est faux, que c'est mal, et que Malcolm, quand il a parlé aux étudiants — vous avez certainement entendu cet enregistrement —, il s'adressait aussi à certains juifs, à certains malins, et il leur a dit ses quatre vérités.

Vous pourriez dire : "Bon, si j'écoute mes envies, les gens devraient pouvoir se promener à poil parce que le viol, c'est de l'amour." Ça, c'est l'idéalisme. Vous me suivez ? Vous êtes en pleine métaphysique. Vous êtes en pleine subjectivité, parce que vous n'opposez pas votre idée à la réalité objective. Et la grosse erreur, c'est que vous n'essayez même pas. Parce que si jamais vous essayez, vous allez devenir objectif. Si jamais vous entrez là-dedans, la réalité va vous sauter au cul et violer tout ce qui vous reste. A chaque occasion qui s'en présente, les gens en profitent donc pour foncer dans un tas d'idées reçues. Voilà pourquoi beaucoup d'entre vous ne comprennent pas, et ne peuvent pas être d'accord, avec beaucoup de choses que nous avons dites. Vous n'avez simplement jamais essayé.

Vous ne savez pas si les gens approuvent notre programme de petits-déjeuners pour les enfants parce que vous n'avez jamais nourri qui que ce soit. Vous ne savez rien de la clinique gratuite parce que vous n'avez jamais demandé à personne. Vous ne savez pas le bien que procure une arme à feu parce que vous n'en avez jamais porté une. Nous, nous pensons que si tu dis que tu n'aimes pas les poires alors que tu n'as jamais goûté de poire, tu es un menteur. Tu ne sais pas si tu aimes les poires, et tu ne peux pas prétendre que tu n'aimes pas les poires. Le seul moyen qu'on a de savoir le goût de la poire, c'est d'en goûter une soi-même. C'est le seul moyen. C'est la réalité objective. C'est ce que fait le Black Panther Party. Nous ne sommes pas des métaphysiciens, nous ne sommes pas des idéalistes, nous sommes des matérialistes dialectiques. Nous faisons avec la réalité. Qu'elle nous plaise ou pas.

Beaucoup de gens ne comprennent pas ça, parce qu'ils fondent leurs actes sur leur vision à eux des choses, sur comment ils voudraient que les choses soient. Nous, nous disons que cette une vision est inexacte. Il faut d'abord voir les choses telles qu'elles sont, puis agir en conséquence. Vous courez dans tous les sens en vous écriant : "On va aimer tous les Noirs. Nous aimons le peuple noir tout entier d’un éternel amour !" Vous savez quoi ? Eh bien si Malcolm revenait parmi nous, il écraserait un million de membres du Ku Klux Klan pour arriver jusqu'à Stokely Carmichael et pour lui botter le cul, à ce fils de pute. Parce que Malcolm parlait dans des salles comme celle-ci mais où les Blancs n’étaient même pas admis. Vous entendez ? Ils n’auraient pas admis un seul Blanc. Mais Malcolm est mort. Et qu'est-ce qui se passe maintenant ? C'est quoi déjà le nom de ce crétin d'acteur blanc ? James Whitmore ? Celui qui s'est fait noircir la peau.

Parce qu’ils ont des noms avec "37X", "15X", plus noirs que noir, et qu'ils ont réussi à s’incruster, avec ce philtre d’ignorance que ces tarés essaient de nous fourguer : "On va aimer tout le peuple noir, parce que tout nègre est un homme noir potentiel."

L’homme qui a témoigné contre le président Bobby dans le procès du complot à Chicago est un Noir. L'homme qui a assigné le président Bobby pour assassinat dans le Connecticut est un Noir. L'homme qui a assassiné Malcolm X est un Noir. Le juge qui a refusé la caution d’Eldridge Cleaver après qu’un Blanc la lui ait accordée — ce juge nègre qui a de lui-même enquêté de son côté et qui a dit : "Nègre, je ne crois pas que tu devrais pouvoir te balader librement dans la rue" — est un Noir, c'est Thurgood Marshall, Thurgood Marshall le bon-à-rien, celui qui a été mis en place par la NAACP, l'association nationale pour l'avancement des gens de couleur. Voilà une des choses que ça nous a appris à nous, de rester là assis et de mourir et d'attendre et de pleurer. Si Thurgood Marshall n'avait pas été là, alors Eldridge Cleaver serait probablement encore ici, avec son peuple.

Marshall est un nègre, un lèche-bottes, un attardé, un petit singe à son maître. Compris ? "Je ne crois pas que tu devrais pouvoir te balader librement dans la rue." Et nous, on s'excite en laissant ces nègres nous demander d'aimer tout le peuple noir...

Avez-vous entendu parler du procès du complot dans le West Side qu'ils ont pu gagner, avec Doug Andrews et Fat Crawford, l’incendie dans le West Side pendant l'émeute après l'assassinat de Martin Luther King ? Demandez-leur ! "Frères, c'est quoi votre problème, frères et sœurs ?" Demandez-leur : "C'était un Blanc ?" Non ! Avec Doug, ils nous ont critiqués pour notre position dite "libérale". Ils l'appellent "libérale". Donc, ils n'ont laissé personne entrer, sauf des Noirs. Mais ils ne savaient pas. Quelqu'un sait qui est Gloves sur le South Side de Chicago ? C'est pas un Blanc. Glove Davis est un des policiers qui a ensuite participé à l'assassinat de Fred. Avez-vous jamais cru que Buckney était blanc ? Buckney, qui choppe tous vos frères et vos petites sœurs et tous vos petits cousins et neveux, et il va continuer à les chopper. Et si vous ne faites rien, ce sont vos fils et vos filles qu'il va choper. Beaucoup de nègres vont à l'école maintenant pour essayer de se faire un nom. On n'entend personne courir partout en disant : "Je suis Benedict Arnold, III" parce que les enfants de Benedict Arnold ne veulent pas qu'on sache qu'ils sont ses enfants. On entend les gens dire qu’ils pourraient être les enfants de Patrick Henry — des gens qui se sont levés et ont qui ont dit : "Donnez-moi la liberté ou donnez-moi la mort." Ou le cousin de Paul Revere. Paul Revere qui a dit : "Prenez vos armes, les Britanniques arrivent." Les Britanniques, c'était la police.

Huey Newton a dit : "Prenez vos armes, les flics arrivent." Même chose. Il va y avoir beaucoup de Newton. Vos enfants voudront tous s‘appeler "Huey P. Newton, III." Ils ne voudront pas s'appeler "Ouga-Bouga" ni "Karangatang Karenga" ni "Mamalama Karenga", aucune de ces conneries. Ils ne prendront pas de tels noms. Demandez aux flics de Californie. Demandez-leur ! Vous le voyez, ça ? Passe-moi une de leurs affiches, frère. Celle juste là. Maintenant, si vous pensez que je mens, regardez-moi ça. Jetez donc un œil là-dessus. Vous les sœurs qui êtes ici, dites-moi celui qui vous semble le plus beau : le nègre qui court avec un bâton et une toge, qui ressemble à Moïse, ou ceux-là, vraiment mortels, complètement mortels, les mecs... Vous pouvez penser, vous pouvez dire que vous êtes chauvin, des chauvins organisés, vous pourriez le dire. Vous pourriez me dire que je me dissimule derrière l'égo de mon Parti. Mais je ne me dissimule que derrière la vérité. Et je pense que les sœurs peuvent confirmer que ce sont eux qui dégagent. Ce sont eux les stars de cinéma pour Babylone, bon Dieu. Non ? J’emmerde John Wayne et tous les autres connards.

Bien. Quand on voit ça on se dit que c'est comme ça qu'on est beaux. Rien à foutre des nègres en dashikis. Vous pigez ? Ça ne pèse pas lourd au final. Mais ce que nous disons, c'est qu'on a tout de même besoin d'outillage.

Vous avez déjà eu l’occasion de faire venir un docteur chez vous, ou de faire venir un plombier chez vous ? Imaginez qu’un plombier vienne chez vous. Il ouvre son sac et il a des stéthoscopes, des thermomètres, des aiguilles hypodermiques et des seringues. Vous lui diriez : "T'es venu réparer la plomberie ? Frère, t'as les mauvais outils." On est d'accord ?

Imaginez que quelqu’un débarque pour vous aider à accoucher et qu’il sorte des outils de plombier. Je sais bien que vous, les sœurs, vous crieriez au meurtre. Non mais franchement, vous diriez : "Ça va pas, ça, mon frère. Il faut — tu piges bien ? —, il faut y aller un peu plus doucement, il faut que tu me sortes un truc mieux que ça. Il te faut des outils plus adaptés à l’occasion, tu comprends ? C'est pas une fuite de robinet, ici."

Alors quand on débarque dans notre communauté avec des tanks, quand on entre dans Babylone ou dans Varsovie — peu importe comment vous l’appelez — comme ils l’ont fait, eux, comme ils l’ont fait dans les cités HLM du West Side de la ville, ça c’est un signe, un signe très clair de ce qui se passe en ce moment à Babylone. Quand ils font ça, quand ils arrivent ici avec des tanks, ces tanks sont des outils, ces tanks sont des outils de guerre, et eux déclarent par là la guerre à notre communauté. Et si toi, quand ils marchent sur ta communauté avec des tanks, tu sors en dashiki et rien d’autre qu’en dashiki, avec ton boubou et rien d’autre que ton boubou, en sandales et rien d’autre qu’en sandales, alors là t'es au mauvais endroit au mauvais moment et en mauvaise compagnie. Autant rentrer chez toi si tu dois baisser ton froc, si tu dois te retrouver cul nu, va te mettre quelque chose sur le dos, ne serait-ce qu’un étui avec un flingue et quelques balles. Reprends ton cul, OK ?, et ils ne te verront plus à poil. Personne n'ira te siffler, personne, ni quoi que ce soit. Ça, ça sera terminé d'un claquement de doigts. Tu ne seras plus pour eux un objet sexuel. Fini. Parce qu’ils ne verront plus qu'une chose, ils ne verront plus que M. et Mme Colt .45, M. et Mme Magnum .357. Et les formes de ces outils-là sont les plus jolies formes qu'on ait à Babylone. Frères, un Magnum .357, il n'y a rien de meilleur tout contre soi, à part une de nos magnifiques frangines black. Pourtant, ces Magnum .357, il nous les faut aussi.

Quand on sortira, quand on va y aller, il faudra qu'on soit en mesure de nous protéger. Huey P. Newton avait émis un mandat, il y a longtemps. Un mandat exécutif n° 3. Il disait que nous devons tracer une ligne de démarcation. Que quand les flics approchent de nos quartiers, nous devons protéger nos quartiers à la force du canon. Les flics n’approchent pas des quartiers des Panthers. Quand ils approchent des quartiers des Panthers, ils s'assurent que les Panthers n'y sont pas. Nous avons eu un cas où ils sont arrivés à la piaule d’un Panther avec trois hélicoptères au-dessus de sa baraque. Je ne rigole pas. Je ne rigole pas. Vous voyez bien qu'ils arrivent bien préparés. Ils savent bien, quand ils débarquent chez un Panther, que nous pouvons causer rhétorique, mais nous parlons aussi la langue de base des habitants de Babylone. Il faut être deux pour danser le tango, fils de pute. Si tu défonces ma porte, je te la renvoie dans la gueule. Nous, on ne ferme pas nos portes à clef. Nous nous trouvons juste de bons flingues, laissons ces fils de putes ouvrir et si ils entrent, on leur prépare quelque chose qui les fera filer à la quincaillerie, acheter une serrure, revenir, refermer la porte et la fermer à clef en gardant leurs miches dehors !

Là, il nous faut avancer aussi vite que possible pour laisser du temps à ceux qui ont des questions, ceux qui sont atteints par leur syndrome de culpabilité et ceux qui ont la honte. Nous avons parlé de leurs dirigeants, comme LeRoi Jones ou Mamalama Karangatang Karenga, un grand chauve "bazoomie" selon moi. Voilà ce qu'il est. Et nous pensons que s’il continue à porter des dashikis, il faudrait qu'il arrête de porter des pantalons. Il est bien mieux en mini-jupe. Voilà tout ce dont un putain de mec qui n’a pas de flingue a besoin à Babylone : d'une mini-jupe. Il arrivera peut-être à tirer quelque chose de cette ruse. Puisqu'il ne risque pas de tirer sur quoi que ce soit. Il ne combattra pas la tentation. Il n'a jamais tué qui que ce soit d’autre qu’un membre des Black Panthers. Citez-moi un nom. Citez-moi une seule fois où les bureaux de Karangatang ont été attaqués ? La seule fois où il a jamais eu l'occasion d'utiliser une arme à feu, c'était sur Alprentice Bunchy Carter, un révolutionnaire. Ce frère-là avait plus de poésie révolutionnaire que quiconque. Culture révolutionnaire. John Huggins. La seule fois où ils ont levé une arme, c’était contre ce genre de types.

Comme Huey Newton l'a dit en prison, quand ils ont levé la main sur Bunchy et quand ils ont levé la main sur John, ils ont levé la main sur le meilleur de Babylone. Vous devriez le répéter. Vous devriez être peinés chaque fois qu'un de nos frères révolutionnaires meurt. Jamais vous n'avez pu entendre que le Parti perpétrait des assassinats. Compris ? Réfléchissez-y. Je ne vais même pas vous dire. Réfléchissez-y par vous-mêmes.

Nous avons fondé le Black Panther Party en 1966. Je vais vous raconter toute son histoire en une seule minute. Nous avons commencé à nous occuper des flics. Vous croyez qu'on a peur d’une poignée de mecs comme Karangatang, de quelques idiots, de quelques machistes ? Ils disent à leur femme : "Marche derrière moi." La seule raison pour laquelle une femme doit marcher derrière une telle tafiole, c'est pour pouvoir lui prendre le pied et le lui mettre bien profond dans le cul.

Nous n'avons pas besoin d'une autre culture que de la culture révolutionnaire. Nous entendons par là une culture qui nous libère. Vous avez entendu votre lieutenant de terrain vous parler d'incendie, n'est-ce pas ? De quoi vous inquiétez-vous quand un incendie se déclare ? Vous cherchez de l'eau ou vous cherchez à fuir. Vous ne vous inquiétez de rien d'autre. Si on vous dit : "Quelle est ta culture, pendant un incendie ?" Eh bien c'est l'eau, ta culture, mon frère. La voilà, ta culture. Parce que la culture est quelque chose qui te protège, qui te tient. "Quel est ta politique ?" L'eau ou la fuite. "Quel est ta formation ?" L'eau ou la fuite. Quand on nous demande, à nous, ce que c'est que notre culture, nous répondons : "Notre culture ? C’est les armes, baby. Notre culture, c’est de l’art révolutionnaire. C'est tout. Et quand vous voyez ces deux frères qui se sont trouvé des fusils et qui sont sortis dans Babylone en 66 quand beaucoup d'entre nous avaient peur de faire quoi que ce soit, à part s'enfermer dans un placard pour écouter Coltrane — ça n’aide pas à botter le cul des fils de putes. Eh bien ça nous a activés et ça nous a rendu assez noirs pour qu'on devienne méchants. Ensuite, ça nous a rendus assez noirs pour lancer un acte d'accusation général contre les médisants du peuple noir. "Nègre, tu n'es pas naturel." "Nègre, comment ça se fait que tu n'aies pas changé de nom ?" Demandez aux flics de Californie. Demandez-leur. "Qui craignez-vous le plus ? Ron Karenga Mamalama ou Huey P. Newton, qui porte le nom d'un démagogue, un menteur de politicien, Huey P. Long ?" Les flics ne s'emmerdent pas avec ça. Parce que si ton pistolet est un Browning, t'as pas besoin de lui donner un nom africain, car crois-moi, il tire pareil. Vous pigez ? Il tire pareil...

Changer de nom ne va pas changer notre situation. La seule chose qui changera notre situation, c'est ce qui nous a mis dans cette situation. C'est l'oppresseur. Il y en a trois familles, que nous appelons les trois-en-un : les rapaces, ces hommes d'affaires cupides et avides ; les politiciens menteurs et démagogues ; et les flics racistes, ces porcs fascistes et réactionnaires. Tant que vous aurez affaire à ces trois-là, rien de votre situation ne bougera. La seule différence : vous serez toujours oppressés par le fascisme, mais au lieu d’être Fred oppressé par le fascisme, vous serez Ougabouga oppressé par le fascisme. Vous en serez au même point. Au lieu d’aller à la chambre à gaz, vous irez à une section africaine de la chambre à gaz. Nous avons tellement tout africanisé ici que si les Africains se pointaient, il faudrait leur donner un dictionnaire pour qu'ils comprennent. C'est vrai, il leur faudrait un dictionnaire. Sur les affiches ou sur les photos, on renomme les choses et on se renomme nous-mêmes avec des noms dont ils n'ont jamais entendu parler, eux. Et on se dit "africanisés". C’est quand même quelque chose, non ? Non ?

Si vous êtes raciste, laissez-moi vous dire quelque chose. Ou si vous êtes un nationaliste réactionnaire. Les Blancs sont aux commandes de ces idées-là. Allez voir en Afrique du Sud et demandez-leur donc. Allez-y. Et si vous voulez un exemple de nationalisme culturel, le meilleur que je puisse vous donner, c'est Papa Doc, c'est Duvalier. En Haïti, tous les Noirs disaient : "Il nous faut de la négritude !" Papa Doc, Duvalier, leur a répondu : "D’accord, il nous faut de la négritude. On va virer tous les Blancs !" Il a viré tous les Blancs, et maintenant il opprime tous les Noirs. Quand les Noirs s'en plaignent, il répond : "Ben quoi, de quoi vous plaignez-vous maintenant ? Je suis noir, non ? Je peux rien faire de mal, frère. On a déjà réglé tout ça." Voilà comment les apologistes du genre de Wesley South surgissent. Ils causent à grands coups de ces sophismes dont la sœur nous a parlé tout à l'heure... C'est plutôt du ramdam pour se faire entendre, d'ailleurs. Ils causent, ils causent, ils causent parce que ce sont des petits singes à leur maître que notre communauté ne tolère qu'à cause de la couleur de leur peau. Il nous faut les chasser. Réfléchissez-y.

Bobby Seale est enchaîné et bâillonné dans les bureaux fédéraux, en ville. James et Michael Soto ont été assassinés en l’espace de deux jours...

Par ailleurs, à l'attention de vous, les Blancs qui se disent gauchistes, qui prétendent que vous allez soutenir le Parti... Eh bien nous, nous disons qu'il n'y a pas de meilleur marxiste que Huey P. Newton. Le meilleur n’est pas Mao Tsé-toung ou qui que ce soit d'autre. Nous disons ceci : si les gens ne nous montrent pas par leur engagement sur le terrain qu’ils soutiennent la lutte à Babylone, ils ne sont pas des internationalistes, ils ne sont pas des révolutionnaires, de véritables révolutionnaires marxistes-léninistes. Nous considérons Kim Il-sung. Nous considérons le camarade maréchal Kim Il-sung de Corée comme ayant un aussi fort engagement sur le terrain que Mao Tsé-toung. Si vous pouvez être d'accord avec ça, très bien. Si ne vous ne pouvez pas, rentrez chez vous avec le cul bien propre nickel, comme celui d’une poule mouillée, c'est pigé ? Si vous ne pouvez pas être d'accord avec ça. Voilà ce que nous vous disons.

Et vous, les fils de putes qui vous trouvez si gauchistes que vous essayez de tout gauchiser à Washington. Je vois pas ce que vous pouvez gauchiser, putain, vu que vous ne ferez que marcher entre deux cadavres, ceux de Lincoln et de Washington. Moi je sais bien que vous n'obtiendrez pas la moindre réparation. Il y a autant de chances que Nixon vous donne quelque réparation à vous. Si vous n'arrivez pas à mettre 200 000 personnes en marche sur Washington pour ce qui se passe au Vietnam, comment arriveriez-vous à en trouver 200 000 pour se rendre ici au centre ville devant les bureaux fédéraux et manifester pour le président de Babylone, l'homme qui a fait plus pour Babylone, et plus encore pour le Vietnam que vous, les agités de la manif, n'en ferez jamais. Vos marches n'ont jamais rien apporté à personne, sauf aux marchands de godasses. Vous allez user vos âmes comme vous usez déjà vos semelles. Alors si vous n'êtes pas d'accord, allez vous faire enculer.

Nous, notre ligne a toujours été cohérente. Les marxistes-léninistes, nous les connaissons. Les gens pour qui ce n'est pas la tasse de thé disent que les marxistes-léninistes ne prononcent jamais de jurons. Ça, c'est quelque chose que nous tenons, nous, des maîtres d'esclaves. Nous savons que ce sont les nègres qui ont inventé le mot "motherfucker". Nous ne baisions les mères de personne. C'était pas nous. C'était le maître qui baisait les mères. Et nous avons inventé le mot, compris ? Soyons bien d'accord là-dessus. Nous, nègres marxistes-léninistes, nous les nègres marxistes-léninistes qui lançons des injures, on va continuer à jurer, nom de Dieu ! Parce que ça nous va, parce c'est ce qui se fait, à Babylone. La voilà, la réalité objective. Est ce qu'on se promène à Babylone en débitant des conneries universitaires, en se masturbant intellectuellement avec sa diarrhée de paroles ? Nous disons à ces fils de putes : "Si vous voulez attraper une maladie de la bouche, venez donc discuter de vos conneries dans une communauté où les Panthers sont présents, et là vous l'attraperez, votre maladie de bouche. La fièvre aphteuse, et de la patte d’une panthère." Alors si vous, les gauchistes, vous ne comprenez pas ça, allez donc vous faire foutre. Nous savons, nous, ce que le président Bobby a fait pour la lutte.

Les Vietnamiens savent bien, comme Huey P. Newton le dit de notre devise, que nous sommes les vrais défenseurs de l'abolition de la guerre. Nous ne voulons pas la guerre, mais nous avons compris que la guerre ne peut être abolie que par la guerre. Que pour déposer les armes, pour faire qu’un homme se débarrasse de son arme, il est nécessaire de prendre une arme. Et vous, fils de putes pour la Paix au Vietnam, sachez que le Black Panthers Party est pour la Victoire au Vietnam. Nous disons qu'on a là des agresseurs, un tas d’hypocrites au service du plus fort, nous disons que ce sont là des impérialistes. Un ramassis de bellicistes sortis de Wall Street. Qu'on les chasse de Vietnam !

La seule façon pour que la libération du peuple oppressé vietnamien ou du peuple oppressé de Babylone se fasse, c’est en l'enracinant dans une terre fertilisée par les os et le sang de ces chiens de porcs agressifs qui viennent dans nos communautés et qui occupent nos communautés comme des troupes occupent un territoire étranger, qui vont au Vietnam et qui mènent une guerre sans relâche contre le peuple vietnamien et son droit à l'autodétermination. Ça nous est bien égal que ça vous plaise ou pas. C'est notre ligne. C'est une ligne marxiste-léniniste. C'est cohérent. C'est comme ça et ça va rester comme ça.

Si vous ne pouvez pas rassembler 200 000 personnes pour Bobby, alors nous disons que vous êtes des contre-révolutionnaires. Que vous prenez un chemin qui va de DeKalb au Vietnam sans même passer par les HLM du West Side de Chicago. Ça, c'est pas possible. Vous pensez comme ça que le Vietnam, c'est l'horreur ? Mais voyez donc la loi américaine ! Pour le Vietnam, si vous y perdez un fils, on vous donne le droit de garder l'autre. On vous dit : "Le voilà, chère maman, serrez-le, serrez-le fort dans vos bras." Il peut rester à la maison, vous comprenez ? Si vous en avez deux là-bas et que l’un meurt, ils vous renvoient l'autre. Ils vous le renvoient, ils le sortent de la guerre, cette guerre où il risquerait lui aussi de crever, parce que "Madame, cette guerre ne prendra pas vos deux fils." Et vous, vous qui manifestez à Washington contre cette guerre cruelle, vous tous les gauchistes, que dites-vous alors de Mme Soto, elle qui a perdu deux fils ici en une semaine ? Voilà qui nous prouve par des faits concrets et historiques que Babylone est pire que le Vietnam, qu'il nous faut des moratoires pour la communauté noire à Babylone et pour toutes les communautés opprimées à Babylone.

Et Charles Jackson, d'Altgeld Gardens... La semaine dernière, un gamin de 14 ans jette des pierres. Les flics lui disent d'arrêter, et ce fils de pute tire et tue le gamin. Il l’assassine de sang froid. Et puis vous, bande de fils de putes, avez le culot d'aller piétiner à Washington, en manifestant entre deux fils de putes morts. Le Black Panther Party va vous critiquer, vous, bande de fils de putes. On va vous critiquer ouvertement parce que nous croyons en la critique révolutionnaire de masse. Nous allons vous dire que vous avez tort, parce que nous avons reçu trop de critiques pour perdre notre putain de temps avec vous. Soit vous ferez partie du problème, soit vous ferez partie de la solution. Et si nous découvrons que vous, bande de fils de putes, faites partie du problème, nous tournerons nos armes contre vous, bande de fils de putes.

Nous allons passer au débat. Nous allons faire autre chose, aussi. Une des choses parmi d'autres qui montrent aux gens d'où nous venons vraiment. Nous sommes de Babylone. Le Black Panther Party est géré uniquement par des Noirs. Si vous en avez la possibilité, nous enregistrons ce dimanche et nous diffuserons dimanche prochain une grande table ronde sur le thème : "Seulement pour les Noirs ". Vous pourrez venir voir. Chaka ou moi-même serons présents. Nous ferons une présentation du Black Panther Party. Si vous en avez l'occasion, venez donc jeter un œil.

Si vous le voulez bien, nous aimerions vous demander quelque chose pour le président Bobby. Si vous vouliez bien tout simplement taper dans vos mains. Pas besoin que ce soit très fort. C'est ce que nous appelons le rythme du peuple. Ce rythme a été lancé en 1966 par Huey Newton et Bobby Seale. C'est un rythme qui ne s'arrête jamais, ils savaient qu'on ne peut pas l'arrêter. C'est le rythme qui se manifeste en vous, le peuple. Le président Bobby Seale dit que tant que il y aura des Noirs, il y aura le Black Panther Party. Personne ne pourra jamais arrêter le Parti, à moins de faire taire ce rythme. Tant que vous manifesterez ce rythme, on ne nous arrêtera jamais. Vous pensez que le rythme est dangereux ? Nous savons bien qu’il l’est. Parce que quand ce rythme a commencé sur la côte ouest, le chef des flics de là-bas, Alioto le mafieux, a dit à ses copains fascistes : "Écoutez le rythme de ces gens-là. Il bat beaucoup trop vite. Qu'ils retournent là d’où ils viennent !" Ce rythme a retenti ici à Chicago dans l'Illinois, au 2350 W. Madison, en novembre l'an dernier, quand Chaka, Bobby Rush, Che, Jewel, quelques autres frères et moi-même nous sommes dit que nous allions ouvrir une section du Black Panther Party ici. Parce que ça fait partie de Babylone, le Parti existe ici aussi. Nous sommes étudiants, on pourrait croire que tout va bien pour nous, qu'on est au sommet de la montagne, mais on va redescendre dans la vallée, parce que les vrais gens sont dans la vallée, l'engagement est dans la vallée, l'oppression est dans la vallée, l'agressivité, la répression, le fascisme, tout se passe dans la vallée. Le sommet de la montagne est agréable, mais peu importe. Nous sommes engagés, donc nous allons y retourner. Il nous faut retourner à la vallée.

Quand nous sommes redescendus... Même Daley et Hanrahan et le juge Hoffman — nous, on l'appelle Adolf Hitler —, ce chef fasciste qui maîtrise l'art de la tapista, cet art que Mussolini était censé maîtriser. Nous disons que Hoffman est meilleur dans l'art de la tapista que Mussolini lui-même, parce que nous savons ce que c'est : c'est l'art du bon timing... Quand donc nous avons lancé ce rythme ici, le juge Hoffman et le maire Daley et cette tête de marteau de Hanrahan ont dit : "Hé, écoutez les gens. C’est le rythme de Chicago. Politiquement, ça va trop vite. Qu'ils rentrent chez eux ! Pour vivre entre Noirs, là où est leur place, en dashikis et en boubous, entre nationalistes noirs et nationalistes culturels. Qu'ils retournent chez eux, qu'ils reviennent à ce qu'ils pensaient avant, que les fringues qu'ils portent leur apporteront du changement. Qu'ils recommencent à penser que le pouvoir politique sort de la manche d'un dashiki !" Et nous, nous avons dit : "Non !" Tant que le rythme continue, nous continuons, parce qu'il donne une force communicative au Parti, qu'il nous permet de comprendre... Nous sommes tellement accros à la révolution prolétarienne que nous ne nous laisserons pas intimider.

Ne vous inquiétez pas pour le Black Panther Party. Tant que vous garderez le rythme, nous continuerons. Si vous croyez qu'on peut nous anéantir en assassinant Bobby Hutton et Alprentice Bunchy Carter et John Huggins, vous avez tort. Si vous croyez que parce que Huey a été emprisonné le Parti va s'arrêter, vous voyez bien que vous avez tort. Si vous croyez que parce que le président Bobby est en prison, le Parti va s'arrêter, vous voyez, vous avez encore tort. Si vous croyez que parce qu'ils peuvent me mettre, moi, en prison, le Parti peut s'arrêter, vous avez tort. Si vous croyez que puisqu'ils peuvent enrager Eldridge Cleaver au point de lui faire quitter le pays... vous avez tort. Parce que nous l'avons dit avant et nous le redisons aujourd'hui. On peut emprisonner un révolutionnaire mais on ne peut pas emprisonner la révolution. On peut enfermer un combattant pour la liberté comme Huey P. Newton, mais on ne peut pas enfermer le combat pour la liberté. On peut payer des porcs de nationalistes blacks comme Mamalama pour assassiner Alprentice Carter Bunchy, un libérateur, mais on ne peut pas assassiner la libération. Ou alors on donne des réponses qui ne répondent rien, des explications qui n'expliquent rien, des conclusions que ne concluent rien.

Nous disons que si vous, vous osez lutter, alors vous oserez gagner. Si vous n'osez pas lutter, vous ne méritez pas de gagner. Nous n'irions pas affronter Mohamed Ali sur un ring sans nous battre, et puis nous demander pourquoi nous avons perdu, n'est-ce pas ? Si vous ne vous battez pas, alors vous ne méritez pas de gagner. Si vous ne bougez pas devant ces fascistes, alors vous êtes fou. Nous disons que ce n'est plus une question de violence ou de non-violence. Nous disons que c'est une question de résistance au fascisme contre une question de non-existence en plein fascisme. Nous disons : arrêtons la guerre du Vietnam. Mais par la victoire de l'esprit d'Ho Chi Minh. Nous disons : arrêtons la guerre à Babylone. Et commençons par décentraliser la police.

La seule véritable valeur, c'est le peuple. Parce que les porcs mordent la main qui les nourrit et les porcs ont besoin d'être giflés. Comme Chaka l’a dit, si vous les surprenez dans votre maison, frappez-les, avec n’importe quoi. On ne discute pas pour savoir s’il faut les frapper avec une chaise ou avec une table, c'est hors de propos depuis le début. Nous disons que l'oppresseur — qu'il aille se faire foutre, le juge Taney — l'oppresseur n'a aucun droit que nous, les opprimés, devrions respecter.

Si vous en avez l'occasion, intéressez-vous à Bobby. Vous devriez, parce que Bobby s’est intéressé à vous. Vous devriez vous intéresser à Bobby, car en 1966, alors que nous n'avions même pas pensé que nous étions assez importants pour nous défendre, Bobby et Huey ont trouvé des armes et ont rejoint la communauté. Ils ont quitté l'université. Bobby était en licence d’ingénieur, Huey était étudiant en droit. Et ce qu'ils ont étudié, ils l’ont mis en pratique. Vous devriez vous intéresser à Bobby parce que Bobby s’est intéressé à vous. Je vais m'intéresser à Bobby et si vous avez quelque chose à dire, vous aussi vous vous intéresserez à Bobby. Allez voir aux bureaux fédéraux du centre ville et intéressez-vous à notre président, parce qu'il est le président de Babylone. Il est le fondateur des programmes de petits déjeuners pour enfants et des cliniques gratuites, et il n'y a rien de mauvais, rien de mauvais du tout, là-dedans.

Le pouvoir au peuple. Le pouvoir de l’Illinois aux gens qui, ici, fréquentent la Northern Illinois University.

Nous disons qu'il nous faut des armes. Il n'y a rien de mal à ce que les armes à feu circulent dans notre communauté, elles ont simplement été mal distribuées. Pour une raison ou pour une autre, les porcs de nationalistes blacks les ont toutes, les armes. Il ne nous reste donc plus qu'à les répartir équitablement. Donc, si vous en voyez un qui a une arme et si vous n'en avez pas, il faut qu'à la fin vous en ayez une aussi. De cette façon, nous serons en mesure de traiter les problèmes comme il le faut. En regardant la télévision j'ai appris que les flics ne brutalisaient pas eux-mêmes les gens à l'époque de la conquête de l'ouest... Ils engageaient même des chasseurs de primes pour les arrêter. Mais ils étaient prêts à tuer des gens sans même avoir l'intention de les arrêter. Donc il nous faut des armes. Il nous faut des armes. Il nous faut une force.

Merci. Je vais demander à Chaka et à notre sœur Joan de revenir pour répondre à toutes les questions que vous vous posez, nous avons tout le temps pour cela — même si nous n'avons pas de temps à perdre. Comme la sœur l'a dit : "Le temps presse, ne laissons pas passer cette occasion."

Je vous remercie.